[Album de la Semaine] Turnstile – Never Enough

Le Hardcore est-il soluble dans une monde post-Konbini ? 

Cette question, Turnstile y avait déjà amplement répondu en 2021 : avec “Glow On”, ils avaient déjà enveloppé leur verve dans un vernis skate 90’s hautement pétillant, pondu sur mesure par des D.A. habiles qui auraient tout aussi bien pu avoir aussi œuvré sur les cas de Metronomy, Tame Impala ou même Tyler The Creator.

Le message était simple : Turnstile est le groupe le plus cool. Turnstile est un groupe générationnel comme Rage, les Red Hot ou vos légendes d’adolescence préférées.

De la musique aux shooting promos, des clips jusqu’au merch, le produit était alors finement pensé pour provoquer la vénération aveugle d’une fanzone de cool-plus-trop-kids bien ciblée : pas assez engagés pour traîner dans les souterrains crasseux mais assez cultivés pour comprendre qu’on leur offrait sur un plateau des icônes punk crédibles, mais assez briqués pour s’avérer Superbowl compatibles.

Verdict ? Mission accomplie : qu’importe les démos cradingues et les albums furieux et sublimes qu’ils avaient livrés avant, Glow On s’imposait il y a 4 ans comme un disque-monde. Mieux : une machine à être aimée, grâce à la malice d’un groupe qui sait ce qu’il fait, où il veut être. Une décoction impossible de musiques “extrêmes” capable de plaire au palais frileux du grand public.

Si Turnstile sont alors devenus les Beyoncé du pogo, se posait bien logiquement la question la manière d’aborder la suite. 

Tout changer ? Pousser les curseurs pop toujours plus loin ? Revenir à des choses plus brutes ? Quelques EP de remixes (Bad Bad Not Good, Mall Grab) ont transposé la musique des Baltimoriens sur d’autres registres, ouvrant des chemins vers des emprunts jazz, clubish, ou tout ça à la fois.

Mais après quatre ans d’attente, le groupe arrive avec la conviction humble que tenter de réinventer une formule si savamment mise au point serait voué à l’échec. Le disque qu’il propose aujourd’hui est sans doute frileux, certes, mais définitivement sage : produire la suite très littérale de leur chef d’œuvre. Quel que soit le bout de la lorgnette par lequel on analyse le disque, il faut se rendre à l’évidence : “Never Enough” n’est rien d’autre qu’une pelletée de rab’ à la cantoche.

Mais quelle cantoche ! On retrouve tout ce qui fait le sel du groupe : alternance de bomb tracks et de plages synthétiques émo-dreamy, de guitares post-Smiths ou de batteries sur-triggées : on est à la maison, et si tant est qu’on est pas contre un peu de routine, on y vit sa meilleure vie.

Sans en révéler trop, il faut savoir qu’à Radio Béton, on a nos petites habitudes, qu’on tourne au train-train, que depuis le temps, certain.e.s ont des journées réglées comme du papier à musique. Rendez-vous compte : on joue même encore en CD en 2025. 

On serait donc bien mal placé.e.s pour se plaindre du manque de renouvellement d’un groupe aussi fantastique. Donc demerdez-vous avec ça : album de la semaine.