« X raisons, x raisons de l’avoir »

Aujourd’hui j’ai décidé de vous parler de l’album qui m’a converti au rap. Non pas que je ne lorgnais pas sur ce style de musique depuis un moment, mais on va dire que si le rap était une maison je regardais par la fenêtre depuis quelques années. Il est vrai qu’avant ses 15 ans on ne peut tristement se reconnaître dans les textes d’NTM d’IAM et consorts, mais en gros à 15 ans on est juste un ado qui ne pense qu’à une seule chose… rigoler avec ses potes! Et voilà en quoi X raisons le 2ème album du Saïan Supa Crew a été ma porte d’entrée dans le rap.

J’ai donc commencé à écouter le Saïan, ou le SSC, parce qu’ils m’avaient d’abord fait marrer tout simplement. Et à partir de ce jour j’ai respiré Saïan j’ai mangé Saïan je m’habillais Saïan… paire de And One , baggy 1 million de fois trop grand, et t-shirt floqué « Saïan » double XL…tellement improbable que la personne en charge du merchandising du groupe m’avait appelé pour savoir si j’étais sur de mon choix. Elle m’avait dit tu sais Kévin double XL c’est grand ! Et ce T-shirt est toujours beaucoup trop grand évidemment. Mais peu importe mon frère était aussi dans le coup et on avait fière allure en rouge et jaune…

Le morceau qu’on entend c’est Ils étaient une fois , morceau classique ou chacun des MCs se présentent pour ouvrir l’album sur une instru efficace. Un peu plus loin sur Polices le groupe mêle histoires de bavures, de courses-poursuites qui finissent mal alors forcément à l’âge des premières conneries on s’identifie.

Sur 14.02.2002 le groupe qui s’est fait connaître par le tube Angela ne choisit pas de vous parler de la Saint-Valentin mais l’utilise pour évoquer le SIDA. Derrière ça un interlude me fait découvrir le morceau Voodoo Chile de Jimi Hendrix à travers un art que le Saïan Supa Crew domine et aidera à faire connaître en France: le beatbox.

La Dernière Séance n’est pas un beatbox d’Eddy Mitchell en revanche, mais un name dropping sur le cinéma qui donne lieu à des phases telles que :
« Il trancha ses veines, son couteau de cuisine devint l’arme fatale,esprit rebel il voulait affronter sa psychose, seul comme un vrai mâle. »

Vient ensuite un des morceaux qui m’aura vraiment tapé dans l’oreille aux premières écoutes de cet album et qui j’en suis sûr fit peser la balance pour cette histoire de Victoire de la musique. Car oui X raisons remportera en 2002 une Victoire de la musique. Au nom de quoi traite de la religion, la critique ce qui ne coule pas forcément de source quand on pense au rap. Et comme souvent les MCs au nombre de 6 offrent souvent plusieurs visions, plusieurs point de vues. La single à la Angela sur cet album s’appelle A demi-nue et la aussi le propos dénote. Les MCs évoquent leur 1er rapport sexuel avec une dose d’auto-dérision. Bon je ne vais pas vous faire tout le tracklist d’autant plus que par la suite et dans l’attente d’un album du même acabit je m’étais retourné vers l’indémodable KLR 1er album du groupe et ainsi que sur les nombreux inédits sortis avant (ou pas) la révélation du groupe au grand public.

Quelques inédits :

A cette époque un morceau n’arrivait pas en dix secondes et chaque téléchargement achevé avec succès était un émerveillement. (Ceci était une phrase de vieux). On écoute le morceau responsable au plus haut point de mon changement de garde-robe et je vous renvoie au clip par la même occasion et vous comprendrez pourquoi je me suis fait avoir ! Tout de suite on écoute Soldats 2.

Nivek

SAÏAN SUPA CREW – X Raisons by Beton on Mixcloud

EMINEM – The Slim Shady LP (1999)

1998. Deux ans déjà que Dr Dre tente de faire décoller son nouveau label : Aftermath Records. Sans grand succès jusque-là, et les fans commencent à se demander si le bon Docteur ne va pas les décevoir pour la première fois. Les craintes n’en sont que plus grandes quand il annonce qu’il vient de signer un obscur rappeur blanc de Détroit, qui n’a à son actif qu’un album sorti trois ans plus tôt (échec aussi bien commercial que critique, qui a poussé le pauvre Marshal, en pleine misère sociale avec la toute récente naissance de sa fille, à une tentative de suicide), et un EP certes de bonne facture, mais qui n’a obtenu qu’un succès régional.

Le pari semble très osé à l’époque où il était acquis pour beaucoup que les blancs ne savaient pas rapper. Pour faire monter la sauce, Dr.Dre fait ressortir le single du précédent EP : Just Don’t Give a Fuck. Titre rageur qui définira bien cet album ultra provocant. C’est aussi la découverte du personnage de Slim Shady, sorte d’alter ego maléfique d’Eminem, qui pense que toute vérité est bonne à dire et où tout le monde en prend pour son grade. Particulièrement lors du second et véritable single de l’album et succès mondial : My Name Is, où il attaque aussi bien ses proches que les stars du moment. Que dire du titre 97′ Bonnie & Clyde où il emmène sa fille pour étrangler sa femme (les premiers pas vers un divorce certains avec Kim).

Là où Eminem devient intéressant, c’est que derrière les provocations, on découvre pour la première fois l’univers des « white-trash ». L’histoire des blancs pauvres, oubliés du rêve américain et qui vivent dans des roulottes, alternant les petits boulots sans perspectives d’avenir et vulnérables à la drogue et l’alcool. Des thèmes qu’on retrouve particulièrement dans le titre If i Had et l’excellente Rock Bottom.

Plus qu’un simple représentant musical de cette frange sociale, Eminem n’arrivera finalement jamais à se débarrasser réellement de cet univers. Même après le succès, Marshal Mathers reste une personne instable, souvent déprimé et porté sur la drogue et les médicaments, malgré de nombreuses cures de désintoxication. Il est finalement l’archétype de ces artistes qui ne trouvent jamais le repos, et que seul le mal-être pousse à la création.

Violence, humour noir, misère sociale. Voici les thèmes qui jalonnent ce premier très grand disque d’Eminem. Peut-être pas le plus efficace au niveau musical (l’album qui suivra, Marshal Mather LP, relèvera ce niveau-là), mais clairement une révolution dans le rap US à l’époque, et qui a toujours son influence à l’heure actuelle.

EMINEM – Slim Shady LP by Beton on Mixcloud

IRON MAIDEN – The Number of the Beast

Au sortir du Collège, il est de coutume de dire que le Lycée change un homme. Que le lycée offre des nouvelles perspectives, offre de nouvelles amitiés, et éventuellement, nous apporte son lot de découvertes musicales et artistiques que l’on ne soupçonnait pas, surtout venant de la cambrousse de Saint Branchs en ce qui me concerne.

Après avoir fait mon rebelle à 2 Francs sur ma 103 Sp de nombreuses années en écoutant du rock très dur comme TOTO et TEARS FOR FEARS, un jour à Pau-paul , je découvre un groupe Anglais, avec des cheveux longs, et des moules-burnes zébrés, IRON MAIDEN (nom d’un engin de torture Moyen-Ageux) et l’album « The Number of the Beast », qui est leur 3ème, chose que j’apprendrais quelques jours après en l’achetant dans un magasin en 4 lettres.

La première écoute de cet album, et par la même occasion de ce groupe, est une révélation pour le rebelle de cambrousse que j’étais. Groupe venant de nulle part, sans aucune influence, ne citant que leur propre groupe en interviews, ne portant que des t shirts de Maiden sur scène, ignorant tous les autres combos qui ne jouent malheureusement pas dans la même cour. Car, oui ! Iron Maiden sont au sommet de l’Olympe quand d’autres groupes de Heavy metal n’en sont qu’à la première marche. Des morceaux archi beaux « Hallowed be thy Name », des morceaux archi supers « Children of the damned », « The Number of the beast (et son refrain mythique « 6…6…6, the number of the beast »), ou « The Prisoner » (qu’on peut entendre dans « Les démons de Jesus » de Bernie Bonvoisin entre autres), ou encore des morceaux engagés et politiques « Run to the Hills (qui traite du massacre des Indiens par les colons blancs)…Et bien entendu « 22, Acacia Avenue », qui rendait hommage au maitre Gothique Edgar Allan Poe…en écoutant tout ça, je pensais aussi qu’il fallait absolument que je me trouve un poster de Number of the beast, pochette culte réalisée par le dessinateur attitré du groupe jusqu’à la fin des 90’s Derek Riggs (qui tout comme Danny Elfman avec Tim Burton, dessinera toutes les pochettes de Maiden, à l’exception d’une, « Fear of the dark », clash qui sonnera le glas de la coopération entre l’artiste et le groupe)

Quelques mois après, en plus d’avoir un poster flambant neuf de « The Trooper » (morceau figurant sur leur album d’après) ET la plus belle veste en jeans patchée de tous les temps (ou tout du moins du bahut c’est déjà pas mal – Un backpatch de Maiden et ses petits frères tout autour), j’avais un groupe, essayant de faire pareil, en me disant que moi aussi, j’étais un adorateur du Malin et que j’étais capable de chanter « Run to the hills » à tue-tête sans me tromper dans les paroles.

Ca a changé ma vie ! Par contre, ma mère a fini par la balancer cette veste en jeans patchée, « elle était trop usée », dixit maman, je ne l’ai jamais cru !

IRON MAIDEN « The Number of the Beast » by Beton on Mixcloud

BIKINI KILL – The cd version of the first two records

C’est un soir de printemps et c’est à Tours, à Velpeau dans un studio meublé années 50, un tapis qui gratte, le sommier défoncé, un lavabo et le poster d’un film de Stephen Frears. Fenêtre ouverte, rez de chaussée, vélos garés devant, chaussures délacées, il m’offre un cadeau. Il l’a rapporté de Paris, d’un disquaire, je ne sais plus si c’est Born Bad ou le Silence de la Rue. Il pense que c’est fait pour moi, on se connait depuis 2 mois, on est déjà comme cul et chemise. Juste un cadeau hein pas de gâteau d’anniversaire on verra plus tard. Je déballe le truc c’est un disque, la pochette est en noir et blanc c’est un collage, c’est du punk, c’est des filles, on dirait qu’une des filles porte la robe de Mercredi Addams. Je les aime déjà, ce sont mes sÅ“urs, mes copines, je veux être comme elles. Je mets le vinyle sur la platine. La fille et ses copines. Elle hurle et elle chante, je comprends tout, au-delà des mots. Elle est jolie et moche à la fois, alors elle est encore plus jolie. Elle dit tout ça avec une violence qui me parle précisément. Ils jouent mal, comme s’ils venaient d’apprendre, mais les émotions me semblent justes. C’est ça: c’est juste. Ça me touche là, pile au fond, ça me donne les larmes aux yeux et je me sens invincible. La bande de filles dans le disque c’est désormais ce que je serai toute ma vie. C’est sûr, ça ne peut plus être autrement.

Cette fille brune, en culotte, au dos de la pochette, qui pourrait être clodo, strip teaseuse ou prix Nobel de littérature, c’est moi, c’est toutes mes copines, c’est Beauvoir et Stiv Bators à la fois.

Elle est trop belle. Le groupe s’appelle Bikini Kill. Elle c’est Kathleen. Kathleen Hannah et moi je viens d’avoir 18 ans.

BIKINI KILL – The Cd version of the first Two Ep’s by Beton on Mixcloud

LINKIN PARK – Hybrid Theory

Aujourd’hui j’ai choisi de vous parlez de néo métal, de discman, de subjectivité, et de mélodie de piano pas franchement complexe.

Vous l’aurez compris aujourd’hui je vais vous parlez d’Hybrid Theory le 1er album de Linkin park,

Loin d’avoir été contaminé dès la première écoute par ce titre il y avait déjà chez Linkin Park ces petits détails qui peuvent vous amadouer un ado en recherche d’identité en un rien de temps.
Mon dépucelage commence donc avec le clip d’ « In the end » un après midi chez mon pote Vivien qui m’a déjà initié à Marilyn Manson !…
Un clip avec des animations « chelous » type baleine dans le ciel mais surtout je découvre un groupe dans lequel il y a un rappeur, un rockeur et un DJ. En sommes moi petit fan de rap et de punk à roulettes je trouve pour la première fois un groupe qui me ressemble vraiment, ou du moins un groupe auquel j’ai envie de ressembler…vraiment !

L’album ouvre avec « Papercut » : batterie, guitare, quelques scratchs : Bonjour nous sommes Linkin Park ! Les couplets sont assurés et rappés par Mike Shinoda le refrain chanté par Chester Bennington, et puis cette envolée « The sun goes down » qu’on pourrait apparenter à un camouflage sonore pour permettre à chaque ado de pleurer tranquillement dans sa chambre en se disant « ma vie c’est de la merde ». Puis vient « One step closer » qui te fais dire OK je suis sensible mais attention à ne pas trop me chercher parce que je pourrais m’énerver et faire apparaître mes potes mi-moines Shaolin mi-démons venu des enfers pour te mettre une raclé (voir clip) ! A cette époque « Hybrid Theory » se retrouve très souvent dans mon discman et quand il me reste assez de piles je m’écoute même un morceau entre 2 cours pour me donner du courage, l’album alterne les émotions, petits claviers ambiant genre je suis dans le brouillard mais j’y vois clair dans ce monde et grosse guitare, pas si en avant que ça, avec des refrains hurlés qui explose à ta place parce que oui ta vie c’est toujours de la merde. Mais au delà de ces réminiscence d’adolescents qu’est ce qui pouvait bien me plaire chez Linkin Park ?

Ah oui une des forces du groupe c’était aussi ce titre « Cure for the itch » morceau instrumental qui laissait encore un peu plus de place aux platines et qui te donnais la sensation d’écouter un groupe pas si banal que ça, ajouté à ça les visuels des clips et du CD réalisés par le groupe lui-même et vous aviez carrément l’impression d’avoir les nouveaux Pink Floyd dans les oreilles. Mais 13 ans plus tard je sais qu’il n’en n’est rien. Ou plutôt aujourd’hui si vous parlez de Linkin Park on ne vous prendra pas franchement au sérieux et les récentes productions du groupes n’aident pas non plus à leur donner du crédit. Eh oui ces gars de Los Angeles font toujours plus ou moins la même chose avec pour seule différence qu’on les croirait accouplé avec U2 et Coldplay.

Le groupe réussira tout de même un tour de force avec l’album de remixes « Reanimation » qui sortira un an plus tard et qui sera l’un des albums de remixes les plus plébiscités et les plus vendus de l’histoire.

Alors oui, peut-être que derrière ton poste tu as envie de me dire que Limp Bizkit c’était beaucoup mieux ou que j’aurais mieux fait d’écouter Rage Against The Machine mais la musique on ne décide pas a sa place si elle te parle si elle te fais dresser les poils, prends la juste comme elle vient car la musique ça restera toujours que de la musique, allez on se met du gel dans les cheveux, on met une chemise noir, on évite de sourire, on imagine qu’on a des flammes tatouées sur les bras et on écoute Forgotten !!

LINKIN PARK – Hybrid Theory by Beton on Mixcloud

WU-TANG CLAN – Enter the Wu-tang (36 chambers)

Mais qui sont ces figures fantomatiques qui apparaissent sur la sombre pochette de ce disque sorti à New York en 1993 ? Visages cagoulés de blanc, hoodies brodés à l’effigie du Clan, et ce W stylisé en guise de logo, faisant penser tour à tour à un étendard guerrier asiatique, une hache ou un aigle et qui par sa répétition s’imprime déjà dans nos rétines… Avant la première écoute, l’Å“il est fasciné. Comme un enfant devant affronter l’obscurité, nous voici aussi excités qu’apeurés.

Dès l’introduction de Bring da Ruckus qui provient du film de 1981 Shaolin & Wu Tang, nous sommes prévenus : Le Wu-Tang peut être dangereux et il veut en découdre. Composé de 9 membres issus principalement des quartiers de Brooklyn et de Staten Island, ce groupe se démarque d’emblée par une vitalité étonnante. Profusion de Emcees, de mots, d’influences et de samples, cela fourmille de toute part ou plutôt ça bourdonne comme nous le comprendrons quelques mois plus tard en voyant la multitude des guerriers Killa Beez, les projets solos et tous les groupes qui composent l’essaim.

Mais avant la multitude, il est pour l’heure question d’unité. Après quelques échecs phonographiques et d’importants ennuis avec la justice, un cousinage, comme on aimerait en voir plus souvent, décide d’appliquer un adage bien connu : « le nombre fait la force ». Ce trio, composé de RZA, GZA & ODB, s’associent donc à 6 autres rappeurs : Raekwon, Ghostface Killah, Inspecta Deck, Masta Killa, U God & Method Man. Le projet est simple : faire du blé et se sortir de la merde des quartiers pauvres de New-York, où la « meth » fait autant de dégâts que les fusillades entre gangs.

Sous l’impulsion et la vision de RZA, à la fois manager, compositeur et réalisateur du groupe, cette équipée sauvage d’un autre genre enregistre en quelques mois au studio FireHouse un disque froid comme le blizzard et sombre comme une ruelle du Manhattan de John Carpenter. Loin des frasques du Gangsta Rap et du son californien naissant, les instrumentales du premier album du Wu-Tang nous plongent dans une atmosphère inquiétante, chargée de références à la mystique Shaolin, et à la noirceur des comic-books d’un nouvel âge. La modestie du matériel utilisé comme cette manière chaotique, de prime abord, d’agencer les rythmiques hoquetantes, les extraits de films et les samples de Soul, semble ramener le rap à sa première nécessité : faire affleurer la réalité sociale, aussi crue soit-elle, à l’écume des lèvres et la gueuler de toutes ses tripes pour que le monde entier l’entende. Et c’est une meute affamée qui répond à l’appel de son chef. Chaque membre avec son style, sa voix, ses armes ; esprit éclairé tel un maître des échecs, flow précis et tranchant comme un sabre, fougue incontrôlée et téméraire de l’animal blessé défendant son territoire.

20 ans après sa sortie des bas-fonds de Gotham, cette somme d’individualités, unies sous le même étendard et dévouées à leur cause, est entrée dans l’Histoire. Un disque unique, devenu intemporel qui nous rappelle à chaque écoute, comme dans l’extrait qui suit, la violence du monde des hommes, et la fureur de vivre nécessaire pour qui veut en réchapper.
« Watch ya step kid. Ya best protect ya neck. »

7 SECONDS – The Crew

“Hey it’s 1984,
With a glimpse of what’s in store,
It looks like things are up to us,
No talk, just action in the streets,
That’s what it’s gonna take,
No calm youth in the U.S.A.

It’s summertime, American riot!
I can’t complain, unless I try it!
The heat is here, a teenage warning!
To those who fear, here’s your warning!”

Ca commence fort et ça pose les bases… Et c’est sur ces bases que mon choix de disque s’est fait. « The Crew » de 7 Seconds, est à mes yeux, l’album le plus marquant de la scène hardcore Américaine du début des années 80.

Alors c’est sûr qu’on pourrait parler de Minor Threat ou Adolescents, voire même de Black Flag, et se la jouer prout prout avec tout un passif d’anecdotes lues dans je ne sais quel magazine à la con, lors de soirées « rock » toutes aussi chiantes que le torchon avec lequel j’essuie ma vaisselle. Mais pour ce qui est du vécu, cet album est l’essence même de ce que le hardcore représente.

Pour en revenir au fait, 7 Seconds, de Reno, Nevada, créé en 1980, est le premier groupe à avoir utilisé l’étiquette de groupe « Hardcore » dans la scène punk, et c’est après quelques démos et Ep’s, que sort en 84 The Crew sur le label californien BYO records.

The crew, c’est 18 morceaux en à peine 20 minutes, et que tu le veuilles ou non, c’est une machine à tubes, ce qui confère cet album au rang d’indispensable. C’est l’esprit même du punk 80’s des Etats- Unis, rapide et rentre dedans comme il faut. Les thèmes sont ceux d’une époque reaganienne sur des choix politiques ou comportementaux et les répercussions sur la scène et la jeunesse. Mais, à la différence de Black Flag, la positivité et le chant clair sont de mise.

La pochette est somme toute assez classique, sur fond noir, et on peut y voir une image live du chanteur, Kevin Seconds, avec une personne lambda lors d’un concert, chanter avec lui. Le ‘sing along’ étant très coutumier dans le hardcore, 7 seconds est un pionner du genre, et il n’est pas surprenant après la première écoute de cet album de le faire instinctivement dans son salon, ou au volant de sa voiture, en reposant le sillon sur cette galette ou en mettant la cassette dans ton autoradio tout pourri.

De ‘young t’ill I Die’, hymne a la jeunesse éternelle ou l’on préfère vivre sainement et rester jeune plutôt que de se la coller, à ‘Not Just Boys Fun’, pamphlet anti macho là où une scène ultra violente commençait à se créer et à exclure les femmes d’un mouvement qui se disait ouvert d’esprit, les 18 morceaux s’écoutent tellement bien, qu’on ne s’en lasse pas. Et on comprend que les textes sont tous bien pensés et intelligemment écrits.
Trente ans après, ça s’bouffe au petit déjeuner, au déjeuner et au repas du soir, et ça a même un gout de ‘reviens y’ très agréable en fin de soirée.
Alors si tu te dois de posséder un seul skeud de hardcore 80’s dans ta collection, c’est bien The Crew de 7 Seconds, et c’est aussi pour ça qu’on va écouter Definite Choice !

MAHMOUD AHMED – Ere Méla Méla

L’éthiopien Mahmoud Ahmed est un géant de la musique Africaine au même titre que Fela Kuti ou Ali Farka Touré.

Son album « Ere Mela Mela » est l’album emblématique de ce qui a été appelé l' »Age D’or de la musique Ethiopienne ». En 6 ans, de 1969 à 1975, la capitale d’Ethiopie Addis Abeba (Swinging addis en clin d’oeil au swinging London) a été le théâtre d’une explosion musicale incroyable. Plus de 500 45 tours et une trentaine d’albums ont été édités durant cette période!

La musique moderne Ethiopienne se caractérise par un mélange de rythm’n’blues, jazz, soul et funk occidental et de mélodies Ethiopiennes au sein de big band cuivrés hérités des fanfares institutionnelles comme celle de l’Armée, de la Police ou de la Ville d’Addis par exemple.
Mahmoud Ahmed commence sa carrière inopinément en 1963 en devenant le chanteur remplaçant au sein de L’Imperial Body Guard Band. Comme aime à le rappeler Francis Falceto, le principal défricheur de toutes la discographie du Swinging Addis, c’est comme si Johnny Hallyday ou Edith Piaf avaient connu leur succès en étant accompagné par la Garde Républicaine!
Sa voix majestueuse, unique, qui doit tant aux soulmen américains qu’au Muezzin en plein appel à la prière en fait vite une vedette au yeux de tout un pays.
Son deuxième album, « Ere Mela Mela » est sorti en 1975 soit juste après la chute de l’empereur Selassié, renversé par un coup d’état militaire. Très vite une dictature communiste s’installe. On peut lire dans ce majestueux album de Mahmoud Ahmed l’annonce d’une période noire pour l’Ethiopie. Les 10 morceaux de l’album (ou 12 pour les rééditions) sont incroyables de tension passionnée et mélancolique. Les arabesques vocaux de Mahmoud Ahmed sont plus chargées d’émotions que jamais. Le groupe de 7 musiciens qui l’accompagne brûle d’un groove extatique sur lequel sa voix presque mystique, hypnotise, virevolte, pleure.

Pendant les années de plomb qui suivent, tout le Swinging Addis est démantelé, le couvre feu empêchant toute vie nocturne et donc toute activité musicale (qui économiquement dépend des clubs et restaurants) seuls 3 groupes dont celui de Mahmoud Ahmed survivent, cantonnés aux animations musicales dans les hôtels de luxe de la capitale.
En 1984, alors que la musique Ethiopienne n’est toujours pas sortie de son pays, Francis Falceto alors programmateur du Confort Moderne, écoutent des disques ramenés d’Ethiopie par un ami. C’est le coup de foudre, il se met en tête d’aller en Ethiopie, de rencontrer Mahmoud Ahmed et de lui organiser une tournée européenne. Il se heurte à l’interdiction pour les ressortissants Ethiopiens de sortir du territoire mais parvient à rencontrer Mahmoud Ahmed et à faire rééditer en 1986 pour l’Europe son chef d’oeuvre inconnu en occident « Ere Mela Mela ». C’est une révélation pour de nombreux amoureux de la musique.

Ere Mela Mela devient un album indispensable à tout curieux des musiques du monde. Mais ce n’est que dans les années 90 avec la chute de la junte militaire, mais aussi avec le succès de la collection Ethiopiques dirigées par Francis Falceto sur le label Buda Musiques, que Mahmoud Ahmed commence sa carrière internationale.

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RAGE AGAINST THE MACHINE – s/t

C’est en 1992 que le groupe Rage Against The Machine, créé en 1990 à Los Angeles, sort son premier album éponyme (ou intitulé Bombtrack selon les éditions). Le nom Rage Against The Machine est issu de l’une des chansons d’Inside Out, précédent groupe de Hardcore du chanteur, Zack de la Rocha. « The Machine » évoque ici, non pas les engins en tous genres et autres mécanismes, mais une représentation du système au sens large et de ses travers tels que mondialisation, néolibéralisme, racisme, élitisme et indifférence, entre autres.

La première claque est visuelle et bon nombre d’entre vous connaissent par cÅ“ur cette pochette choc sobrement constituée d’une célèbre photo daté du 11 juin 1963 et signée du journaliste et photographe américain Malcom Browne. On y voit un moine tibétain, Thich Quang Duc, s’immolant pour protester contre la persécution des bouddhistes par le régime dictatorial sud-vietnamien de Ngo Dhin Diệm, alors soutenu par les États-Unis. Cette photo résonne d’autant plus chez moi que je la connaissais déjà au moment où je découvre l’album, quelques 2 ou 3 ans après sa sortie, jeune adolescent boutonneux et pré-rebel de 15 ans ? Je l’avais en effet souvent observée bien avant l’heure des Internet, dans le Quid 1984 de mes parents (sorte de dictionnaire de l’actualité mondiale). Elle avait profondément marqué mon cerveau d’enfant d’alors.

La claque est musicale ensuite. Sortant de ma période hard rock/métal, des Guns à Metallica en passant par Iron Maiden et commençant à m’intéresser au hip-hop et sa scansion, quelle stupéfaction de découvrir se groupe affranchis des genres et digne représentant de ce que l’on me dit s’appeler « Fusion », la vraie, de la confrontation de plusieurs influences et non pas simple superposition de deux genres comme avaient pu le faire Aerosmith et Run DMC (Public Ennemy) avec leur titre Walk This Way en 1994.

Cette fusion, c’est le rap énervé et gueulard de Zack de la Rocha débordant d’énergie violente et bestiale. C’est la guitare metal de Tom Morello, au son personnel et unique et dont les solos géniaux et les multiples pédales d’effets m’ont fait comprendre que l’emploi de la guitare en rock ne se limitait pas à l’utilisation alternée de sons clairs / sons saturés (le monsieur est tout de même classé 40ème des 100 meilleurs guitaristes de tous les temps par le magazine Rolling Stone). Cette fusion, ce sont enfin les influences funk, jazz et groovy chez la basse de Tim Commerford et la batterie de Brad Wilk.

On ne peut enfin parler de Rage sans évoquer militantisme et engagement. Critique de la mondialisation, du système capitaliste, de l’uniformité des médias, de l’emprise de la religion… Prises de positions pour Mumia Abu Jamal ou Leonard Peltier… Moi, perso, quand la musique revendique, je suis pour. Et là, on est servi ! Et on parle tout de même du groupe qui par le biais d’un concert sauvage en janvier 2000 a réussi à faire fermer ses portes en pleine journée à la bourse de Wall Street à cause de la foule rassemblée. Cela n’était plus arrivé depuis le Krach de 1929.

Pour illustrer mon propos, il eut été un peu facile de choisir le titre phare Killing in the Name, qui, pour l’anecdote, a eu un retour sur le devant de la scène quand des internautes, agacés que la prestigieuse première place des charts anglais la veille de Noël soit trustée par le vainqueur de l’émission de téléréalité The X Factor ont lancé un mouvement pour un vote massif à destination de la chanson des Rage. Résultat : victoire haut la main 500 000 téléchargements contre 450 000. Je me suis donc tourné vers ce titre (très légèrement) plus confidentiel mais tout aussi évocateur : Know Your Ennemy.

Véritable OVNI dans mon parcours d’auditeur, indispensable, sans aucuns doutes, Rage Against the Machine fixait en 1992 un son qui sonne encore résolument moderne malgré les plus de 20 ans qui nous en séparent et dont pléthore d’artistes à la renommée internationale revendique l’influence, de Muse à System of a Down en passant par Deftones et Linkin Park.

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