GRANDE – Chasing the Giants

Grande – Chasing The Giant

Autoproduction – sorti le 06/03/20

Le voilà enfin, le deuxième EP du duo Tourangeau qui nous fait frissonner depuis plus de trois ans lors de la sortie assez confidentielle à l’époque de leur tout premier EP fin 2016. On sent que le groupe a commencé a trouver un équilibre dans son fonctionnement, aussi bien entre eux que dans la maitrise de leurs instruments. Ce nouvel EP sonne donc beaucoup plus puissamment, et dessert encore mieux l’univers froid et tendu du duo.

Musicalement, c’est assez minimaliste. Si sur certain arrangement, on retrouve parfois une batterie, une guitare ou un piano, la plupart du temps ça se réduit au minimum : guitare, violon, voix. Et c’est ce minimalisme qui touche juste, beau jusque dans ses silences et ses saturations. La guitare qui donne autant envie de planer, de rêver, de crier. Les boucles de cordes du violon, parfois utilisées comme une guitare rythmique, font naître des cadences invisibles sur les morceaux. Enfin la voix comme un feulement grave enveloppe, et parfois s’enraille, se violente d’émotion et de rage contenue.

Car si la musique est belle, la réalité de Grande n’est pas idyllique. Un répertoire délicat et beau, qui dissimule un discours engagé, militant. L’EP est construit autour d’un monde imaginaire, où un géant d’argile arpente la terre à la recherche des larmes des gens. Pour vivre des émotions, les gens sont obligés de se cacher, mais le géant a à sa botte une armée pour venir chercher et persécuter les habitants.

Grande a des choses à dire sur disque et porte ses convictions dans l’être même du projet. On pense à « Yellow Saturday » qui parle des Gilets jaunes, de ces gens invisibles qui se sont structurés pour réclamer une meilleure vie et une justice sociale, au risque d’y perdre des mains, des yeux, la vie. On pense à « La Petite Sirène », le célèbre comte d’Andersen, dont on passe souvent à côté de la double lecture (pas mal édulcorée par la version Walt Disney) réelle de cette histoire. La transformation d’Ariel, qui souhaite perdre sa queue et s’humaniser, au sacrifice de sa voix, en fait l’un des premiers contes queer de l’histoire. Andersen était homosexuel et il a par ce récit métaphorisé son désir de séduire son mécène en se métamorphosant.

Grande est fondamentalement un projet queer / transgenre / lesbien. Mais sans en faire un porte drapeau dans leur musique, le duo livre sa sensibilité, sa réflexion et ses questionnements sur leur identité ainsi que sur la société qui nous entoure d’une manière subtile et juste. Voilà encore un groupe dont on peut être fier en Touraine, et qui on l’espère, emmènera jusqu’à loin sa poésie militante.

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