ZËRO – Hungry Dogs (In The Backyard)

La Chronique Mowno

Rock décomplexé

On était résigné, sans le moindre espoir de pouvoir ré-entendre un jour de la part d’un groupe français un album totalement libre qui puisse répondre à la perfection. On y avait pourtant cru en de multiples occasions, et cela aurait été le cas si, à chaque fois, le disque en question n’avait pas été plombé par quelques morceaux dispensables. Comme souvent dans ce genre de situation, la persévérance se voit récompensée lorsqu’on n’est plus dans l’attente: la bave aux lèvres et la laisse bien tendue, Zëro sort “Hungry Dogs (In The Backyard)”, un troisième album qui mord le rock français si profond qu’il en gardera assurément longtemps des cicatrices.

Une telle oeuvre, variée mais à l’indestructible cohérence, sans aucun faux pas, il fallait forcément qu’elle soit signée par quelques vieux de la vieille, des mecs avec assez de bouteille et de talent pour venir rappeler aux jeunes branleurs qu’il leur faut d’abord apprendre à faire des ricochets avant d’avoir la force de balancer un parpaing comme celui-ci. Pourtant loin d’être de tels donneurs de leçons, seulement habités par la ferme volonté de toujours se renouveler, de porter leur musique plus haut qu’elle ne l’était déjà en donnant corps à chacune de leurs idées, les lyonnais décrochent la timbale avec l’air de ne jamais l’avoir visée. Depuis longtemps planqué derrière cette humilité type du musicien sachant pertinemment que sa musique ne rimera jamais avec autre chose que sa propre notion de plaisir, Zëro passe donc encore un nouveau cap en s’autorisant tout.

Ainsi, il joue intelligemment (”Fast Car”), bidouille avec délicatesse et inspiration (”Clown In a Crowd”), refuse constamment la facilité sans jamais céder à la complexité (l’imparable “Speedball”), respire pour mieux retenir son souffle (”Cracker’s Ballroom”, “Queen Of Pain”), chante parfois, mieux que jamais de surcroit. Sans compter que, pour finir de mettre cette approche unique en valeur, le combo s’amuse à balancer l’auditeur entre diverses ambiances qui lui vont toujours bien au teint, qu’elles soient ambient (le délicieusement hypnotique “Hackin’ Around”), ou à l’intensité furieuse (tribale sur “The Trap”, noise pour “Feast Of Freaks”). Voilà un coup de maitre qui mérite définitivement d’être écouté plutôt que d’être lu. Dégagez maintenant, les chiens sont lâchés.

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