Nous sommes en 1969.
En 1969 tout le monde connait le blues.
Musique noire, sulfureuse, mère musicale du XXème siècle, féconde et généreuse. Cette maman courage, brimée, humiliée, mais réhabilitée. Revenue en grâce, honorée grâce à ses enfants illégitimes, ces gamins nés de l’autre côté de l’Atlantique qu’elle a nourris par procuration. C’est le British blues explosion. Ces moutards affamés venus téter ce sein noir, et se nourrir du rythme ternaire comme ils boiraient le nectar divin.
En 1969 tout le monde connait le rock.
Les gamins turbulents de Maman Blues sont devenus grands. Pourtant en 1969, La foudre s’abat sur terre et fout un boucan du diable. Quatre musiciens surdoués venus de Londres se liguent pour foutre le feu à tes oreilles et faire place nette au fond de ta caboche. LED ZEPPELIN
En octobre 1969, à peine 10 mois après la sortie de leur premier album et alors en tournée américaine. C’est dans les bus, les avions, entre deux spliffs de beuh et quelques caisses de Jack Da’ que le quatuor fabrique ce deuxième album qui sera sobrement intitulé: II. La pochette du disque qui est aussi surnommée « Brown Bomber » représente une escadrille de chasse allemande de la Première Guerre Mondiale, la photo est d’abord mise en couleurs, puis les visages des quatre membres de Led Zeppelin (Jimmy Page, Robert Plant, John Paul Jones, John Bonham) y sont collés, ainsi que celui du manager du groupe Peter Grant et de celui des tournées Richard Cole. La femme présente sur la pochette est Glynis Johns, actrice jouant la mère dans le film Mary Poppins ; il s’agit d’un clin d’Å“il à l’ingénieur du son Glyn Johns. Le dernier visage ajouté est celui du bluesman Blind Willie Johnson.
Les enregistrements se font « on the road » et s’étalent sur deux continents (Londres, New York, Memphis, Los Angeles et Vancouver) au rythme soutenu de concerts interminables et de gueules de bois supersoniques. Dans cette virée musicale au pays de l’Oncle Sam, Page qui prendra en charge la production de l’album, fait appel à l’ingé’ son visionnaire Eddy Kramer (Electric Ladyland de Hendrix) pour lui filer un coup de main. Il s’agit clairement de l’album le moins bien produit du groupe, ça pue l’enregistrement à l’arrache, ce qui contraste avec tout le travail du 1er album beaucoup plus équilibré et lumineux. Ici, le son est sec et agressif, la guitare est sale, saturée, ça joue fort, c’est plus intense et c’est ce qui en fait en partie mon album préféré du Zeppelin.
Plus brut et hard rock que le 1er opus, délestant la folk et les influences psychédéliques, puisant encore plus dans les profondeurs du blues, le suramplifiant, encore plus dans la recréation du rock’n’roll pour en faire les premiers pas lourds du hard rock, cet album est un concentré de la virtuosité de chaque musicien du groupe, l’apothéose de 3 instruments et d’une voix reconnaissables entre mille:
des hymnes Led Zeppeliniens Lemon Song, HeartBreaker et ce riff monstrueux, la ligne de basse de Ramble On ou encore ce solo magistral de Bonham sur Moby Dick.
L’album se termine sur Bring it on home de Willie Dixon, Led Zep comme un doigt tendu bien haut revisite le blues, la folk, le rock, la country en 4’20 minutes, laissant aux autres groupes les yeux pour pleurer.
Les morceaux se suivent et ne débandent jamais. Le Zeppelin est au sommet: rock vénéneux et révolutionnaire, Page prend possession de ses jouets et mixe son blues avec l’innocence et l’originalité du débutant. Plant pose sa voix aiguë sur ces riffs de bonhomme et lui fait pousser des nichons, brouillant encore un peu plus les pistes. John Paul Jones impose tout le rythme de sa basse fluide qui vomit un flot de notes, et Bonham se charge de finir de déstructurer ce blues novateur, en en profitant pour détruite sa batterie 15 fois au passage.
C’est avec l’un des riffs gravés dans le marbre du rock’n’roll que se clôture ce lundispensable, le classique Whole Lotta Love.
N’y allons pas par quatre chemins : Andrew Weatherhall est une légende vivante de la Dance Music anglaise.
Démarrant sur les starting-blocks de la scène acid-house, l’auteur s’est lancé sur un partage innovant et psychédélique sur l’album Screamadelica de Primal Scream (1992) et Hallelujah de The Happy Mondays (1990). Pour lui, la dance-music se dissèque avec l’esprit de la nonchalance et l’ouverture vers d’autres mondes, c’est-à-dire les after et l’extase.
Suivront ensuite des remixes progressifs pour My Bloody Valentine ; Finitribe ; Stereo MC’s. Les sons se font plus chauds avec son projet Sabres Of Paradise vers 1994, et avec son ami Keith Teniswood se crée Two Lone Swordsmen, pseudo plus abstrait et expérimental (et le tout chez Warp). Aucune classification est de pair avec lui, le mec est assez instable, et l’est toujours autant dans les années 2000 avec son label Rotters Golf Club. C’est ce que les anglais appellent Leftfield (son groupe The Asphodells avec Tim Fairplay en était toujours la preuve).
Dans son dernier album, le producteur regarde le passé pour mieux ouvrir la brèche du futur. Il y a d’ailleurs un paradoxe assez fort à la première écoute, comme une chose dans les sons datés, comme hors du temps. Dans ce jeu là, il est premier sur la liste, mais en évitant d’être régressif. Car la musique, c’est avant tout une question de dosage, et quand Convenanza convoque à la fois le funk moite (The Last Walk) ; le psychédélisme en fanfaronnade dub et au saxophone sous reverb’ (clin d’Å“il à Sabres Of Paradise dans Frankfurt Advice) ; mais aussi la house de fin de nuit, avec une voix post-punk (Kicking The River), il y a comme un savoir faire et surtout, une écriture qui évite d’être caricaturale. Les styles font comme du va et viens, les mélodies synthétiques sonnent comme du Kraftwerk sous XTC, et quand il se colle à l’Ambient (Thirteenth Night) et à la pop slow-exotica (Ghosts Again, magnifique de justesse), on se dit que le long terme sera la base de cet album. Cette grande richesse musicale correspond bien au personnage et à l’esprit de Béton, et c’est sans aucun mal qu’il soit album de la semaine.