ANA LUA CAIANO – Vou Ficar Neste Quadrado

Voici le premier album de la musicienne originaire de Lisbonne (Portugal), Ana Lua Caiano. Après 2EP, l’artiste continue ici de proposer une musique électronique, pop, qui se mêle aux traditions musicales rurales portugaises.

Après avoir étudié le piano classique puis suivi des cours de musique en écoute de Jazz, elle s’ouvre aux musiques moins « classique », en écoutant à la fois du Björk et du Portishead.

Dans cet album, on entend des voix superposées, des synthétiseurs, des rythmes bien marqués et des enregistrements de terrain. Sa musique est viscérale et étroitement ciblée, puisant dans une riche mosaïque d’influences qui comprend le chant de groupe traditionnel, la musique concrète, les auteurs-compositeurs de la période révolutionnaire des années 70 au Portugal et des icônes électroniques comme Bjork et Laurie Anderson.

C’est de la musique électronique, très contemporaine, pulsée, glitchée, atmosphérique et rythmée, mais aux racines plongées dans la musique traditionnelle portugaise que ses parents écoutaient lorsqu’elle était enfant.

Une voix qui serait dommage de louper en live si vous en avez l’occasion !

LIENS UTILES > Site internet / Youtube / Instagram / Bandcamp /

 

[ALBUM DE LA SEMAINE] MAD FOXES – Inner Battles

MAD FOXES – Inner Battles

El Muchacho Records – 02/02/2024

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Ashamed ou comment faire mieux ? Oui, le 2eme album des Mad Foxes a fait du bruit, beaucoup de bruit dans le paysage du rock indé. Le trio nantais a fait office d’outsider à la sortie de ce disque furieux. Album qui s’est même permis un petit voyage du côté des US pour finir sur le plateau d’un certain Jimmy Fallon (rien que ça). On peut le dire, le groupe peut fièrement affirmer qu’il fait parti des grands noms de la scène française au côté de Lysistrata, des MNNQNS ou encore des Psychotic Monks.

Mais après plusieurs années à avoir vadrouillé et promu son rock bien anglais, est-ce que les 3 renards peuvent-ils surprendre encore ?

En guise de réponse, un 3eme album du nom de Inner Battles. Il est dit comme « le fruit d’un processus créatif profondément introspectif ». Mais avant de parler profondément de musique, parlons des personnes qui permettent déjà de faire un bon skeud.

Ashamed avait mis la barre haute en terme de production et ce grâce à un acteur : Christophe Hogommat. Quand il n’est pas occupé à composer des musiques pour une certaine boite de triple A française (ça commence par Ubi, ça finit par Soft), il se permet d’accueillir quelques groupes pour en proposer des albums complètement bangers. C’est très simple, Christophe aime les productions coups de poings et ça tombe bien, les Mad Foxes sont des experts pour distribuer des mandales. Forcément, il se devait d’être de la partie en enregistrant le 3eme album de ces joyeux compères. Néanmoins, un nouveau challenger qu’on avait pas vu venir s’est occupé du mixage, un certain Joris Saïdani (Birds In Row, ça vous dit quelque chose ?). Mad Foxes propose de la musique à jouer sur scène et ce qui permet de dire que le mixage est réussi vient du fait que les yeux fermés, les oreilles dans le casque on aurait presque l’impression de se retrouver en face d’eux, amplis allumés. Pari réussi pour le batteur des BIR, chaque instrument sonne merveilleusement bien sans empiéter les uns sur les autres. Et cerise sur le gâteau, Thibault Chaumont (Igorrr, Lana Del Rey ou encore It It Anita) sublime tout ça à travers un mastering aux petits oignons !

Bon, c’est bien, mais maintenant parlons un peu de la philosophie de cet album. Là où Ashamed proposait des compositions tantôt claires, tantôt obscures, Inner Battles donne l’impression de quelque chose de bien plus cohérent à travers ses 11 titres. Comme l’impression d’un voyage avec des péripéties d’une grande diversité.

On entre dans cet album avec un titre qui happera l’auditeur·ice dans une certaine forme d’urgence : The Other Hand. Ouais, les Mad Foxes ne disent pas bonjour. Mais peut être que la plus grande surprise viendra immédiatement au second titre avec Cold Water Swim. Une basse presque funk, une batterie qui groove pour deux accords de gratte modulés suivi d’un refrain hurlé noisy. Et voila qu’en moins de 7 min, le groupe donne le ton. On va retrouver le meilleur des éléments post-punk comme Metz, Idles ou Shame mais dans une soupe qui est unique dans le paysage rock. Compositions efficaces, originales avec un soupçon de virtuosité.

Virtuose ? Bien sûr, on n’est pas face à un groupe de math-rock ou de prog ultra technique pourtant chaque membre des Mad Foxes à la place d’exprimer son plein potentiel. Lucas déjà, dont le chant pourra en faire pâlir plus d’un. Refrain catchy, scream maitrisé à la perfection et mélodie surprenante (Gros coeur sur le refrain de YBNF qui résume bien ça). Arnaud à la basse, qui ne se limitera pas à la fondamentale. Au programme des lignes tantôt mélodiques, faisant presque office de seconde guitare, que d’autre lourdes au son gras. Et bien évidemment, Elie à la batterie, qui se permettra des rythmiques autant dansantes que d’autres plus immédiates. Ecouter Inner Battles c’est donc la possibilité d’alterner headbang et zouk, la preuve avec le morceau White Gloves.

Bref, poursuivons le voyage. Je le disais, les compositions de Mad Foxes se veulent immédiates, faites pour le live, mais des libertés sont permises notamment à travers quelques arrangements inédits dans la discographie du groupe. Percussions, choeurs et couches de guitares supplémentaires seront là pour gratiner la production déjà bien léchée sans pour autant dénaturer le propos du trio.

Des libertés également prises dans la composition avec son diptyque Sudden donnant encore plus de poids au lore proposé dans cet album. Deux morceaux au même thème mais arrangés de façons différentes, l’un au trot avec des mélodies énigmatiques, l’autre au galop finissant en apothéose de sons et de hurlements. Et si le voyage a été ponctué de musiques furieuses (Hurricane), groovesques (Jungle Knives) ou minimaliste (Flashes) , il se termine par Ages au chant libérateur et aérien qui confirme une fois de plus la maturité du groupe.

C’est face à une telle richesse, efficacité et production que l’on est bien obligé de l’admettre : Inner Battles a fait mieux. Il a fait mieux sur tous les points et se permet d’être encore plus surprenant que son prédécesseur. Mad Foxes redéfini une fois de plus son rock et l’impose à tout le reste de la scène française avec une élégance notable.

C’est donc avec peut-être moins d’appréhension que l’on attend leur 4eme album !

[ALBUM DE LA SEMAINE] TKAY MAIZDA – Sweet Justice (@4AD)

Sweet Justice, le deuxième album tant attendu de Tkay Maidza, arrive avec un message gravé sur le visage : « Je ne choisirai jamais la conformité« .

Prononcée dès le début de « Ring-A-Ling« , le premier single enflammé et riche en basses de l’album, cette phrase est un mantra et un avertissement de la part de la rappeuse, chanteuse et productrice née au Zimbabwe, élevée en Australie et basée à Los Angeles. Tkay, qui produit de la musique iconoclaste depuis son adolescence, prend pleinement conscience de son pouvoir sur Sweet Justice, laissant derrière elle les personnes et les situations toxiques, ainsi que le doute paralysant qu’elle a dû affronter à cause de cela. Éclatante, pleine d’âme et séduisante, Sweet Justice montre toutes les facettes de l’irrépressible Tkay : son esprit incisif et contagieux, sa ferme confiance en elle et son refus de tout compromis. « J’ai l’impression qu’à un moment donné, je suis devenue trop sérieuse. Cet album est comme un retour à la maison, un retour à l’énergie que j’ai toujours voulu incarner« , dit-elle. « C’est chaleureux, c’est rapide, et si c’est triste, il y a toujours un sentiment d’espoir – je ne me sens pas vaincue ». 

De l’extérieur, on a l’impression que Tkay mène une vie enchantée depuis quelques années : première rappeuse signée par le célèbre label indé 4AD et artiste phare de son label australien de longue date Dew Process, elle a sorti en 2020 et 2021 les volets successifs de sa série de maxis Last Year Was Weird, qui ont été de plus en plus acclamés et appréciés. Elle s’est installée à Los Angeles, a collaboré avec des sommités de l’indie-rap comme JPEGMAFIA et Baby Tate, a assuré la première partie de Billie Eilish et Dua Lipa, et a été saluée comme l’une des nouvelles voix les plus brillantes de la pop partout, de Rolling Stone à Pitchfork.  

 En coulisses, elle commençait à sentir le vent tourner : elle venait d’emménager à Los Angeles, mais les gens qui l’entouraient la stressaient et la bloquaient sur le plan créatif. « Pendant toute une année, elle a fait de la musique que je n’aimais pas« , se souvient-elle. « J’ai arrêté de faire de la musique pendant six mois et j’ai commencé à retourner en Australie pour voir ma famille ». Au même moment, elle a commencé à réaliser qu’elle était coincée dans des amitiés toxiques, « cherchant à être validée par des personnes avec lesquelles je ne suis pas vraiment en résonance« . 

Tkay considère l’idée de dépassement comme l’animateur de sa musique. Elle enregistre des disques pour des combattants : ses meilleures chansons évoquent le sentiment de s’extraire des cordes et de viser le KO. Dès que sa musique a cessé d’évoquer ce sentiment, elle a compris que quelque chose devait changer. Coincée à Berlin, seule, au début de l’année 2022, lors d’un voyage pour renouveler son visa, Tkay a décidé de rompre les liens avec les influences négatives de sa vie et a pris le temps de respirer. « J’avais besoin d’être seule pour réaliser que tout ce que je cherche est déjà en moi. Je n’avais pas d’autre choix que de me regarder en face et de me dire : « Il n’y a rien de mal – continuez à rêver et à croire que votre réalité peut se produire »« , dit-elle. À son retour à Los Angeles, les chansons ont commencé à jaillir, le blocage de l’écrivain disparaissant après une nuit noire de l’âme dans une Allemagne glaciale. 

Le rafraîchissant Sweet Justice est le résultat de cette épiphanie. Au sens traditionnel du terme, il s’agit d’un album de rupture : Tkay se sépare de ses doutes et de sa perception erronée d’elle-même, des personnages toxiques qui ont peuplé le dernier chapitre de sa vie et de l’idée qu’elle devrait s’en tenir à une seule voie. Dans l’esprit de Tkay, il s’agit d’un album de renaissance, un album qui vise à exploiter le pouvoir féminin qui était inné en elle depuis tout ce temps. Avant d’enregistrer, elle s’est plongée dans les films X-Men et s’est profondément identifiée à Jean Gray, alias Phoenix, une figure au pouvoir immense qui voit ses dons contrôlés, manipulés et entravés par des gens qui n’ont aucun intérêt à ce qu’elle s’épanouisse. Comme Tkay, « les moments où elle est seule sont les moments où elle réalise qu’elle est puissante« . 

Sweet Justice n’est pas un album de vengeance, mais il découle d’un profond sens du karma – « ne pas chercher à se venger, se concentrer sur moi-même, laisser les choses à l’univers et laisser les gens avoir ce qu’ils méritent« , dit-elle. Tkay n’a jamais eu l’air aussi libérée, ni l’air de s’amuser autant que sur Sweet Justice. Elle passe sans effort d’un style à l’autre, laissant sa personnalité irréfutable en être le tissu conjonctif. Après avoir coupé les ponts avec de vieux amis, elle en a trouvé de nouveaux sur la même longueur d’onde créative : Les producteurs canadiens Stint et Kaytranada, ainsi que son compatriote australien Flume, qui contribuent tous à la production. 

Sur « Love & Other Drugs« , elle se glisse dans un croon séduisant, comme l’enfant d’Erykah Badu et de Kendrick Lamar ; « Out of Luck » est une rêverie funk enrobée de sucre, tandis que « Won One » est un baiser de drill très réaliste. « Our Way » et « Ghost« , deux collaborations avec Kaytranada, sont d’éblouissantes pistes de danse de fin de soirée, évoquant l’image de Tkay en tant que diva des années 90, timide et glamour à souhait. De toutes les chansons, « Ghost« , avec sa ligne de basse grondante et son éclat brillant et sans effort, est peut-être celle qui incarne le mieux la vision insouciante de Tkay sur une grande partie de Sweet Justice : « Je suis une vraie salope, je n’ai pas besoin de muse« . Le revers de la médaille est « Silent Assassin« , produit par Flume, « une chanson sur l’autonomisation et la confiance en soi » où Tkay rappe sur le fait qu’elle est « un puzzle, pas une solution rapide« .  

Sur Sweet JusticeTkay n’y va jamais par quatre chemins. Sur « Woke Up and Chose Violence« , elle rappe dans une cadence obsédante et tranchante sur le fait qu’elle ne sait plus où donner de la tête avec les gens qui l’entourent : « Une place de parking est ma seule validation/Attendre qui ? Je n’ai pas la patience« . « Won One« , une chanson qui aborde les expériences de Tkay avec la misogynie dans l’industrie de la musique, est excoriante, mais très intelligente, établissant des liens entre les hommes qui essaient de contrôler les carrières des femmes et les hommes qui font du mal aux femmes dans le monde entier tous les jours : « Tu me rappelles un gars que j’ai laissé partir/Tu me rappelles un ami qui s’est approché trop près« , chante-t-elle.  

« L’écriture de ‘Won One‘ a été thérapeutique. Je ne me sens pas mal à propos de ce que j’ai dit« , déclare Tkay. Réalisé avec Stint, un artiste avec lequel Tkay a toujours voulu travailler, lors d’une de ses premières sessions à LA après son voyage à Berlin, « Won One » joue comme un exorcisme, canalisant toute l’apathie et l’animosité que Tkay ressentait à l’égard du chauvinisme de l’industrie de la musique. « C’était presque comme une écriture automatique – je n’y ai pas réfléchi, je n’ai pas édité un seul mot que j’ai mis dedans ». En revanche, « Out Of Luck« , une collaboration avec Lolo Zouaï et Amber Mark, est un morceau R&B cossu qui rayonne de contentement, Tkay et ses collaborateurs utilisant des harmonies divines pour communiquer à un certain failson, sans mâcher ses mots, qu’il a raté sa chance : « Tôt le matin/Tu as foiré, tu es seul/Je ne suis pas ce type/Essayez une autre fois« . 

Sweet Justice est un album qui incarne les belles contradictions de l’art de Tkay : c’est un album de passage à l’âge adulte par quelqu’un qui est dans le jeu depuis un certain temps ; un album sur la justice karmique et la responsabilité qui est lumineux, joyeux et incroyablement amusant, éviscérant ceux qui sont malhonnêtes et irrespectueux avec un baiser chargé de venin. Comme le chante Tkay sur « Love Again« , une chanson conçue pour ressembler à une séance de méditation : « Fini le temps où je tombais/Et où je voyais qu’il n’y avait pas d’échappatoire« . C’est ce qu’on dit toujours : Bien vivre est la meilleure des vengeances. Sur Sweet JusticeTkay vous en donne la preuve. 

[ALBUM OF ZE WEEK] AGAR AGAR – Player Non Player

AGAR AGAR – Player Non Player

Cracki Records – 20/01/2023

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Le duo Français aura pris son temps après la sortie de leur 1er album, The Dog & The Future sorti en 20218. Un 1er album à l’époque que j’avais trouvé en demi teinte, ne parvenant pas à faire oublier la claque de leur 1er EP (Cardan) sorti deux ans plus tôt, où on avait eu du mal à se remettre des titres comme Pretiest Virgin ou I’m That Guy.

Clara Cappagli et Armand Bultheel (respectivement au chant et aux machines) ont donc la sagesse de prendre leur temps, de ne pas courir après le vide qui fait désormais si peur à l’industrie musicale. Les sorties sont si nombreuses qu’en un an un groupe peut tomber dans l’oubli. Alors on pousse à la création rapide, parfois au détriment d’un résultat qui saura dépasser le buzz du mois.

J’aime à croire que ce nouvel album des AGAR AGAR n’est pas fait de ce bois flottant. Loin de vouloir répéter à l’infini la recette qui a fait leur succès au début, ils ont su garder le cap tout en creusant leur propre originalité. L’album Player Non Player a cela d’ambitieux qu’il est annoncé comme étant la bande son à venir d’un futur jeu vidéo, également développé par le duo et qui devrait sortir dans quelque mois.

Bien heureusement, Player Non Player n’est pas uniquement un « album concept » qui servirait d’abord de faire valoir au jeu vidéo, en laissant de côté l’expérience auditive. Au contraire : on y trouve de véritables tubes, comme il en manquait tant dans leur album précédent. Des morceaux à la qualité évidente et immédiate, qui n’en demeurent pourtant pas moins complexes dans leur construction comme le terriblement dancefloor Trouble. Un titre qui trahi de manière évidente l’envie d’expérimentation sonore du duo, sans pour autant oublier l’importance des mélodies pop, des kicks techno, et du groove disco qui a fait leur force et leur notoriété. Un petit chef d’œuvre.

La voix de Clara, modulable entre une clarté évidente et des tons plus sombres et rugueux, rappelle aussi bien les envolées cristallines d’Olivia au sein de The Do (Grass, Dragonlie) que des sonorités plus mélancoliques lorgnant plutôt vers une Lana Del Rey (Fake Names, It’s Over). Elle s’offre même un passage à la limite du punk, flirtant avec Crystal Castles, sur le titre Crave. Côté production, la richesse est grande mais on pourra y retrouver l’écriture libérée et complexe d’un Totally Enormous Extinct Dinosaurs (Trouble), la dark disco d’un La Mverte (Grass, The Visit) ou la pop électronique puissante d’un Thom Yorke (Fake Names).

La fluidité de cet album à vous amener dans différentes ambiances est rendue possible grâce à un très haut niveau de minutie et d’harmonie, de finesse d’écriture et d’intelligence d’une dualité entre pop et expérimentation, entre musique électronique dancefloor et un sens aigu de la chanson. C’est lorsque le côté novateur et le côté populaire se retrouve en bon équilibre que le génie musical est le plus évident, et arrive à surpasser les modes d’un temps.

[ALBUM DE LA SEMAINE] Rico Nasty : Las Ruinas

Rico Nasty Las Ruinas 

Label : Atlantic Records – Sorti le 22/07/22

Après quatre mixtapes et un premier album en 2020, Rico Nasty sort aujourd’hui sa cinquième mixtape, Las Ruinas.

Connue pour son flow incisif et agressif, pour son style déluré et son identité musicale qui se place entre hip-hop, électro et punk, elle pousse ces frontières encore plus loin avec sa nouvelle mixtape. Selon elle, les genre musicaux méritent d’être détruits et détournés, et c’est pour cela qu’elle rassemble autant d’influences différentes sur Las Ruinas.

Elle déclare revenir à son identité profonde sur cette mixtape, et on peut ressentir qu’elle s’éloigne en effet du hip-hop dans lequel elle s’était installée, sans pour autant s’en séparer entièrement. Elle expérimente, et nous offre à découvrir différentes facettes de sa personnalité que l’on connaissait peu, avec des titres plus doux et plus intimes, tels que Easy, Into The Dark, ou encore Chicken Nugget, une chanson dédiée à son fils.

 

Cependant, si la Rico que vous aimiez était la Rico combative qui hurle à plein poumons, vous pourrez la retrouver avec des titres commeIntrusive, Black Punk, ou encore Vaderz, en featuring avec Bktherula. De plus en plus, elle se libère des contraintes imposées par l’industrie de la musique. Dans le clip d’Intrusive, elle explique même l’avoir réalisé sans aucun budget ni aucune attente. À travers cette liberté musicale qu’elle prend dans sa mixtape, Rico Nasty trouve le courage d’être elle-même, sans avoir peur du regard de l’autre.

Las Ruinas, c’est aussi une manière de parler d’elle : elle a choisi ce nom après un voyage au Mexique, où elle a fait une rencontre avec une œuvre de Frida Kahlo,  »Ruina ». C’est un autoportrait, où Khalo s’est représentée  »en chantier », avec de nombreux matériaux sortant de son visage ; une façon d’exprimer le sentiment qu’elle avait après avoir vécu de nombreuses opérations. Rico Nasty, en tant qu’artiste, femme noire, et mère, s’est sentie proche de cette vision, celle d’avoir constamment à se réinventer pour continuer à avancer, et a nommé son projet en l’honneur de ce dessin.

Ruina, Frida Kahlo

[ALBUM DE LA SEMAINE] Dirtsa : Truly Didi

Dirtsa Truly Didi 

Label : Cutcraft Music Group – Sorti le 09/06/22  

Dirtsa, c’est une rappeuse française, et c’est difficile à croire tant on a l’impression que l’anglais est sa langue natale. Originaire de Ndé, une région du Cameroun, elle a baigné pendant toute sa tendre enfance dans des sonorités afro et une ambiance multilingue, et elle rend aujourd’hui hommage à ses racines Camerounaises avec ce deuxième EP, Truly Didi.

De sa plume affutée, Dirtsa dresse sur cet EP un portrait de tous ses espoirs et ambitions, et raconte les épreuves, notamment les injustices raciales, qu’elle a rencontrées dans sa vie. Elle confie avoir voulu se dépasser et surtout insuffler un peu de son ADN dans ce disque, afin d’affirmer encore un peu plus son identité artistique. Entre trap, hip-hop et sonorités afro, il est difficile de la mettre dans une case, et c’est d’ailleurs quelque chose qu’elle revendique.

Truly Didi, c’est aussi une belle preuve que l’on a pas besoin de gros moyens pour faire de la bonne musique : tout l’EP a été enregistré dans le home studio de Dirtsa, avec certains passages qu’elle a choisi de garder qui ont été enregistrés à l’Iphone.

[ALBUM DE LA SEMAINE] Miraa May : Tales of a Miracle

Miraa MayTales of a Miracle

Label : Island Records // Sorti le 27/05/22

A 26 ans, Miraa May a déjà 10 ans d’ancienneté dans la musique et 4 EP à son actif – et a co-écrit de nombreux single à succès pour d’autres artistes ; et elle délivre enfin aujourd’hui son premier album studio, Tales Of A Miracle.

Ce sont ses mélodies, mais surtout ses textes incisifs qui la caractérisent et qui font d’elle une excellente compositrice. Sur la pochette de l’album, on la voit assise sur un trône, à ses côtés un stylo plume géante porté comme une épée, comme une déclaration.

Sur cet album, Miraa a créé une équipe largement constituée de femmes, avec 6 featurings qui rassemblent uniquement des artistes féminines, telles que Raye, Jorja Smith, ou encore Mahalia.

Quant à la production, elle puise son inspiration dans le R&B des années 2000 aussi bien que dans des courants plus modernes comme la trap, ainsi que des influences de musique Algérienne traditionnelle qui font honneur à ses origines.  

Dans ses textes, elle partage son histoire personnelle : elle parle de son très jeune fils, de son combat avec l’anxiété et la dépression, mais surtout contre son passé dans lequel elle a subi des violences étant enfant. C’est un témoignage émouvant et une ode à l’espoir.

[ALBUM OF ZE WEEK] PORRIDGE RADIO : Waterslide, Diving Board, Ladders to the sky

PORRIDGE RADIO : Waterslide, Diving Board, Ladders to the sky

Label : Secretly Canadian // Sortie : 20.05.2022

Formé à Brighton en 2015 par Dana Margolin, Porridge Radio signe ici son 3ème album. Après avoir été la coqueluche de la scène indé Anglaise sur leur deuxième album, le groupe semble de nouveau sous les radars des grosses sorties. C’est peut être grâce à cette baisse de pression médiatique que le groupe se permet une réelle évolution : délaissant le côté grunge saturé et laissant plus de place aux claviers, et aux explosions pop.

De l’explosion il est en surtout question dans les thématiques abordées par la chanteuse, qui a la réputation soit de subjuguer, soit d’agacer lors de ses prestations clivantes. Il faut dire qu’elle a l’air d’en avoir gros. Les thèmes sont souvent liés à la colère, la déception, chantés comme si un hurlement était retenu au fond de son ventre. Cette agressivité sous-jacente, contrebalancée par une musique pop et colorée, trouve souvent son exutoire après de longues montées et une explosion en cœur, processus libératoire qu’affectionnent beaucoup les Porridge Radio. Citons cette belle phrase des amis de Mowno à propos de Dana Margolin, et qui finalement est une vérité universelle : « Les gens qui n’éprouvent rien écrivent rarement de grandes chansons. »

Une catharsis musicale donc, en cette période pleine de frustrations, de déceptions, de manque de projections. C’est peut être ce que propose le quatuor, dans cet album à forte intensité et aux émotions exacerbées. Un grand disque pour un grand groupe, encore trop sous estimé.

Pour les amoureux de : Arcade Fire, Pixies, Hole.

[ALBUM OF ZE WEEK] LALALAR : Bi Cinnete Bakar

LALALARBi Cinnete Bakar

Bongo Joe Records – 06/05/2022

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Révélation live des Transmusicales de Rennes en décembre dernier, l’attente pour la sortie du 1er album des trois stambouliotes commençaient à être fébriles, teasé par quelques singles très efficaces ces derniers mois.

Enfin donc, ce vendredi 6 mai, l’excellent et exigeant label suisse Bongo Joe Records sortait ce 1er long format très attendu. Généreux déjà (15 titres pour plus d’une heure 10 de musique, assez rare de nos jours pour le souligner), le trio Stambouliote semblait impatient de partager son travail figé sur disque.

Mais parlons musique. LALALAR c’est quoi ? En fouillant un peu sur le net sur les encore rares médias qui se sont intéressés au jeune phénomène, on entend parler de « Asian Dub Foundation » Turque, de renouveau de la scène rock psyché Stambouliote, de rock électro 2.0 à la sauce anatolienne … Pour faire dans le name dropping, je rajouterais « les nouveaux LCD Soundsystem du Bosphore » et hop, le tableau est presque au complet !

Ce qui saute aux oreilles à la première écoute des LALALAR, c’est cette basse lourde et ronde, précise aussi, très mise en avant dans le mix, et qui fait office de colonne vertébrale de chaque titre. Le groove est au centre de leur musique, et ça fait directement chalouper la tête. Ensuite, vient tout le reste : le chant en Turque et les sonorités traditionnelles inévitables qui s’en dégagent, le côté psychédélique des guitares aussi, et l’ajout avec parcimonie de nappes électroniques assez lourdes.

Cocktail explosif donc, qui fleure bon la chaleur des bords du Bosphore, tempéré par le vent marin. Si l’album n’arrive pas à rendre justice à leur live, c’est déjà une très bonne porte d’entrée dans cette nouvelle scène rock Turque qui n’en finit pas de nous étonner depuis quelques années.

A ne surtout pas rater, jeudi 9 juin, en clôture de la grande scène du festival Aucard de Tours !

SONS – Sweet Boy

Cette semaine on parle punk !
Après « Family Diner », leur premier album sortie en 2019 , le quatuor belge SONS revient en 2022 avec leur 2e « Sweet Boy » et signe chez PIAS.

PIAS : Sons, c’est l’équilibre d’un groupe qui s’est jeté tête baissée dans le chaos baissée dans le chaos du rock’n’roll et qui doit maintenant faire rimer le fait de vieillir et de s’installer avec ses espoirs et ses rêves fous de la vie de rockstar. Se conformer ou non ? Une maison avec jardin et enfant, un bon travail et devoir courir de plus en plus vite sur le tapis roulant de la course aux rats ? Ou aller à contre-courant et suivre obstinément sa propre voie, avec un coeur qui s’emballe presque à chaque nouveau riff, chaque nouvelle incursion musicale ? Ces questions existentielles déterminent le ton du disque. Comme dans »Succeed » [qui ouvre l’album].

Que ressentez-vous lorsque vous avez encore un pied ancré dans un harnais de garçon et que l’autre pied appuie déjà sur l’accélérateur de votre première voiture de fonction ? Et que faites-vous lorsque votre résistance mentale est dépassée par les attentes élevées de la société, de votre famille et de vos amis ? Dans le cas de Sons, cela a conduit à une grave crise d’identité. Un gentil garçons avec une crise de panique.

Le titre « Sweet Boys » dépeint très bien ce combat mental avec la réalité. Du Punk rock immédiat et brutal.

Sweet Boys, c’est l’album qui nous aide à rentrer dans l’âge adulte. Pied au plancher, musique à fond. Du punk rock garage ancré dans la tradition américaine mais tout de même moderne. Avec des échos de post punk, de guitares 90’s et une touche de psyché.

Pour le mixage, le groupe a fait appel au producteur/mixeur australien Michael Badger-Taweel, connu pour son travail avec King Gizzard & The Lizard Wizard.

Pour les amateurices d’Idles et Thee Oh Sees, un disque digne de figurer aux côtés des plus grands. A écouter très fort !

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