Pusha T – Daytona (G.O.O.D / Def Jam)

Un album sombre, mais qui réveille la lumière.

King Push ne décide pas de faire marche arrière, car sinon c’est la mort qui sera en marche. Alors, il prend son temps, avec son label G.O.O.D music créé par le chelou mais malin Kanye West. Et aujourd’hui, Daytona arrive.

Après son album concept Darkest Before Dawn : The prelude, ou son histoire de drogue ; le fait d’avoir la foi, de regarder la mort en face et la présence de la religion avait une importance de grande ampleur (de toute façon, rien n’est factice chez lui) la moitié du groupe Clipse sort Daytona dans une courte durée pour un album (21 min). Pas si anecdotique que cela alors que le public écoute de moins en moins en entier ce format. Pour cela, Pusha T fait le taff, c’est fluide, et il ne mâche pas le vide. L’autre nouvelle, c’est la production totale à Kanye West, qui modestement sera aussi sur la production du prochain Nas et Kid Cudi (histoire de ne pas l’oublier bien entendu).

Le résultat est proche d’un diamant cradingue, comme un chercheur d’or coincé dans une mine avec seulement une sortie à trouver. Sous une pochette assez douteuse prise dans la salle de bain de Whitney Houston après son suicide (photo payé 85 000 dollars copyright Kanye West Ez Ez), nous ne sommes pas dans la Pop sous Botox. Kanye West comprend tout à fait l’esprit du King Push et donne le meilleur de lui-même, c’est-à-dire un mélange de profondeur, de mort, et d’esprit Afro-Américain avec quelque samples Soul & Blues. Pas de remplissage, Pusha T est sur le ring, et déjà l’album est sorti que Drake s’est lancé un battle à l’ancienne (par rapport au morceau Infrared). Push, toujours The Pusher.

DIGITAL / CD / VINYL

Young Fathers – Cocoa Sugar (Ninja Tune)

Voodoo People.

Le label Ninja Tune se donne à fond sur des sorties étonnantes, s’ouvrant sur des horizons plus acceptables que Warp par exemple, qui s’enfonce petit à petit sur une routine. Il est jamais question de cela chez le groupe Young Fathers, qui font confiance à la structure avec un troisième album prenant et très accessible, englobant la Pop et la culture Lo-Fi Psyché Hip-Hop & Electronique.

Pas besoin d’avoir du matos hyper moderne, si l’écriture est sincère la sensation est logique pour un auditeur. Le groupe Écossais propose une évolution marquée par la culture Transe et Voodoo, sans être profondément ancré dans une structure complexe.  La voix Soul donne du sens sur des bases Lo-Fi et percussives (In The View), tandis que des moments plus intenses s’offrent avec un piano et des basses lourdes (Lord). Le paradoxe assez druggy détourne complètement les paroles et la musique, du coup assez Punk (Wow ; Toy), mais le plus intéressant est l’enchaînement Border Girl & Holy Ghost, super manière de proposer un Funk squelettique, assez Prince, avec une voix chaude que n’aurait pas renié Pharrell Williams. Ce dernier est bien lourd, le plus Hip-Hop de l’album, assez fantomatique avec toujours ce côté déstabilisant qui en fait la marque du groupe et de cet album. Car en s’appropriant la culture Voodoo et en oubliant jamais les racines Africaines, Young Fathers marque une vraie différence dans la musique actuelle.

Plus d’informations :

ACHETER / STREAM / FACEBOOK / BANDCAMP

PETER KERNEL – The Size Of The Night

PETER KERNELThe Size Of The Night

On the Camper Records – 9 mars 2018

 

Le duo Suisse de Peter Kernel, on les aime d’un amour pur et véritable depuis quelques années déjà à Béton. Sous le charme des disques, sous le charme de leurs concerts (ils étaient passés par Aucard de Tours en 2015). Alors quand on a reçu leur quatrième disque, The Size Of The Night, ça a été un moment presque religieux au 90 avenue Maginot.

C’est fou comme avec certains groupes qu’on a dans la peau, la sorti d’un nouvel album peut faire peur : peur d’être déçu, peur de ne plus coller avec la direction que souhaite prendre le groupe. C’est un peu comme prendre le risque d’apprendre à nouveau que le Père Noël n’existe pas. Mais ça, ça ne fonctionne pas pour Peter Kernel, et c’est même plutôt l’inverse.

The Size Of The Night s’impose dès la première écoute comme l’album le plus abouti du groupe. Une liberté plus grande se ressent dans les arrangements qui se permet des libertés par rapport au live. Une évolution due à l’expérience du groupe avec le Wicked Orchestra (normalement, Peter Kernel sont trois sur scène, guitare basse batterie, mais ils ont fait une tournée avec un « mini » orchestre, qui les a forcés à réarranger et réinterpréter tous leurs titres). Le groupe arrive enfin à concilier leur poésie et leur brutalité, pour en tirer leur disque le plus lumineux à ce jour.

Et pourtant, cet album c’est fait dans un contexte très particulier pour Aris et Barbara. Si la genèse et la direction de Size Of The Night avait déjà commencé, c’est juste avant son réel enregistrement que le duo a dû faire face au décès de leur ingénieur son, véritable troisième membre du groupe depuis ses débuts. Un décès qui les a secoué humainement bien sûr, mais aussi dans leur processus créatif. Refusant de s’attacher à un nouvel ingénieur son pour enregistrer cet album, ils se sont auto formés aux techniques d’enregistrement et y ont passés plus de temps, y mettant encore plus de leur sensibilité, pour le faire eux même.

Au final, The Size Of The Night se patine d’un côté mystique qui tranche avec le parcours du groupe, sans le renier. La puissance tendue et poétique sous-jacente à l’histoire du groupe à trouver maintenant son point d’équilibre, nous offrant un des grands disques de la scène pop actuelle.

Kerri Chandler

WALKING ON THE WILD SIDE

La ville de New-York illustre toujours autant la puissance créative des musiciens, du Velvet Underground en passant par LCD Sound-System ; de Nas à Jay-Z ; de Grandmaster Flash à Kerri Chandler. Et quand le dernier, légende internationale de la House music, propose au tout aussi légendaire série des DJ-Kicks de faire un mix en forme de concept de son New-York depuis qu’il y réside, c’est tout simplement à son image : Soulful, fin & raffiné.

Clairement dans un esprit Afro-Américain, le mix est assez humble, tout en évitant d’en rajouter des tonnes … et de la House, eh bien il y en a pas. Nous sommes ici dans un mélange des genres qui ont fait la House music, qu’elle soit Soul ; Funk ; Electro Hip-Hop & Disco.

Un partage qui fait revivre les fondations de l’Electro Catchy & Old-School de T La Rock avec la Disco chaude et hypnotique de Beckie Bell. Proche de la Segway City arrive James Mason et son sublime Sweet Power, genre de Funk d’une écriture presque spirituelle, classique du genre.

La Funk Uptempo de Fruit donne le moment le plus accrocheur du mix avant d’entendre l’inédit de Kerri Chandler, là ou on l’attends pas, c’est-à-dire un morceau Reggae à la Sly & Robbie, Soul & ample. La dernière partie se donne dans la classe et la finesse, avec Sylvia Striplin et son You Can’t Turn Me Away à la saveur sexy, et qui fut reprit d’une forte belle manière par Erykah Badu. Innerzone Orchestra (Carl Craig) avance pas à pas avec la reprise sous-estimée de The Stylistics, écrite en 1971. La Breakbeat-Funk de Kiki Willows, qu’on a l’impression d’être écrite pour le label Mo Wax, annonce le final dans les étoiles du Liquid Love de Roy Ayers.

Kerri Chandler, le guide parfait pour ton prochain voyage à New-York ?

ACHETER / BANDCAMP / LABEL / DJ KICKS

St Vincent (Loma Vista)

La douce folie de la destruction Pop.

Sur le 4ème album d’Annie Clark, la passion Arty et expérimentale n’est pas aussi forte que son album éponyme de 2014, où elle avait cette année là une belle réussite dans ce domaine, jusqu’à lâcher un public qui demande surement de l’exploit et de l’instantané. En clair, que ça clash dans les oreilles le plus rapidement possible. Outre le fait que la Pop reste avant tout dans ce domaine la chose la plus importante, que reste-t-il de l’expérimentation et du surréalisme aujourd’hui ?

La platitude des productions Pop s’expose un peu partout, et on se demande si un jour ou l’autre, les nouveaux musées du style seront des produits maniérés du futur. D’ici là, nous avons la chance d’avoir une artiste vivante et vibrante, qui évolue et change d’humeur, mais tout en gardant un esprit de panthère (comme la carrure de la musicienne sur le plateau du Late Night de Jools Holland sur BBC2). MASSEDUCTION parle de choses intimes sur du populaire, mélange la Pop Electronique à des choses plus Leftfield, qui expérimente parfois et qui aussi arrive à être complètement à nue, comme Happy Birthday ; New York (bouleversant morceau qui rejoindra le New York, I love You de LCD Soundsystem dans les années à venir) et Slow Disco. Un nouveau monde s’offre à elle aussi, avec une production plus limpide et “Hollywoodienne” tenue par Jack Antonoff (Lorde ; Taylor Swift). Le final annonce une puissance Soul pour un nouveau terrain (Smoking Section). Annie Clark est dans les étoiles, la star complète c’est elle.

ACHETER / FACEBOOK / DISCOGS / STREAM

Ariel Pink (Mexican Summer)

Ariel Pink voit la vie en rose … ou la mort façon effet analogique sous LCD dans cet album dédicacé à Bobby Jameson. Cette couleur, c’était aussi le choix de Pom Pom.

La bassiste étonne encore une fois avec des formes assez rétro dans sa musique, une façon très pépouze d’écrire et tout cela dans l’immortalité. En clair, entre la vie et la mort, il y a pas de différence. Toujours aussi singulier mais moins barré, il tient la barre très haute quand il fait de la Pop-Psyché avec une accroche tubesque dans le titre de l’album (de quoi faire la fête chez les morts). Le temps s’est arrêté dans la technique de production de l’album, globalement assez vintage, mais qui s’appareille loin à du maniérisme. Il s’approprie plutôt la Pop sous effet psychotrope et le Glam comme si son enterrement était la petit boutique des horreurs.

Le bloc de son en mono est comme un magma sonore (Time To Live) tandis que Another Weekend scintille par une production aquatique, genre de Slow-Pop exotique et fascinante. La balade de Do Yourself A favor est sublime mais surtout deux morceaux sort complètment du lot et fait qu’Ariel Pink est un artiste complet : La Funk de Acting avec Dam-Funk, jouant le délire d’une voix légèrement sous Vocoder, de style 80’s à la Maze et Death Patrol, clin d’oeil à Bobby Jameson, qui a fait surface sur Internet en 2007 après 35 années perdues dans l’absence et dans l’écriture de son auto-biographie.

En attendant la sortie du Ash Ra Temple Experience, moment fantasque du groupe culte du Krautrock 70’s crée par Manuel Göttsching et où Ariel Pink posera sa voix, sa basse et ses effets, ce Dedicated To Bobby Jameson est une perle rare et sans âge.

ACHETER / LABEL / FACEBOOK

Deux exemplaires CD de l’album seront à gagner cette semaine durant l’Opé Ferarock (Date de sortie : 15 septembre).

Neil Young – Hitchhiker

Je ne vous ferai pas l’insulte de vous présenter Neil Young.

A 71 ans, le bonhomme continue de fouler la scène et à composer.

Mais cet album n’est pas à ce propos.

Hitchhiker c’est un retour dans le passé, un saut dans le temps de 40 ans.

Enregistré à Malibu en 1976, l’album n’avait jamais vu le jour, et était resté en l’état de démo jamais parue.

Certains râleront certainement en disant qu’aucun morceau ou presque n’est nouveau sur cet album (seuls les morceaux Hawaii et Give me Strength sont inédit), mais il s’agit là du matériau d’origine, Neil Young seul avec sa guitare et son harmonica, enregistrant ces titres en l’espace d’une nuit, certains morceaux composés dans la foulée !

Mais son label Reprise en décida autrement, jugeant que le contenu de l’album était insuffisant, le poussant à continuer à écrire de nouveaux morceaux.

Mais le voilà enfin, tout beau, tout propre, et on est pas déçu.

Des morceaux comme Pocahontas, Captain Kennedy ou encore Ride My Llama nous assurent que l’album avait toutes les raisons du monde de sortir en 76, mais après tout, il aurait peut-être fait moins de bruit qu’aujourd’hui…

PUMAROSA – The witch

PUMAROSA The Witch (Fiction records)

Allez, je me dis que l’on ne vit qu’une fois, enfin je crois, alors je me fais plaisir en proposant mon dernier album de la semaine avant de partir de Radio Béton et d’aller voguer vers d’autres eaux. Pumarosa, groupe de Londres, pour son premier album nous offre l’opportunité de voyager hors de notre Planète Terre le temps de 10 morceaux épiques.

Un voyage Pop stellaire à la beauté déroutante, à l’image de la voix hypnotique de la chanteuse Isabel Muñoz – Newsome , qui nous donne l’impression d’être à bord d’une navette de survivants fuyant l’existence Terrienne entourés de flammes brûlant le métal. Le chef d’oeuvre « Honey » en tête.

Je sais que je vais mettre la barre très haute en écrivant tout cela, mais ça m’a rappelé le « Ok Computer » de Radiohead, et le morceau « Exit music for a film », ou des groupes comme Cinematic Orchestra Vous voyez ? Cet espèce de voyage cosmique popisant, grandiloquent à la Dead can Dance sans le côté religieux de la chose. Juste quelque chose de simple, engagé politiquement sur l’écologie et l’Homme en général. Pumarosa parle beaucoup des méfaits de la mondialisation sur les paysages, dénaturant ce que nos yeux nous donnent à voir. Le morceau que j’ai intégré à cet article tout en haut « Priestless » au delà de sa montée de fou contient du saxo à la manière d’un « Rendez-vous » de Jean Michel Jarre, même si je suis persuadé que cette référence leur échappe sûrement. J’espère en tout cas qu’ils ne le prendront pas mal si les membres du groupe lisent cette chronique, que j’aurai pu traduire en Anglais pour l’occasion mais j’ai eu une sacrée flemme (rire démoniaque)

Après nous avoir emmené loin, très loin dans le céleste, ils font redescendre la pression le temps d’un morceau très 90’s à la Grandaddy, « My Gruesome loving friend » qui leur permet de signaler que leurs influences se trouvent aussi là, dans les 90’s, et pas seulement dans les musiques psychées qui font indéniablement leur identité !

Il est assez rare pour moi de vibrer devant de tels albums, mais j’ai eu l’agréable surprise de me prendre une tarte, une tartoche, comme on dit du côté de Chateauroux, et ça me fait dire à juste titre qu’il n’y a pas qu’Iron Maiden et Toto dans la vie, il y a aussi des groupes comme Pumarosa qui ont le goût des meilleurs vins de l’Olympe.

Ps : A noter que le label Fiction nous sort depuis quelques temps de très belles choses comme The Big Moon ou The Amazons. Longue vie !!!

Thé Vanille – Motel Vanilla

Chaque saison possède sa fraicheur musicale pour alimenter les soirées BBQ ou les séances au coin du feu. Que ça soit en intérieur ou en extérieur, la musique collecte autant les souvenirs que les moments de l’instant présent. Le style Ambient par exemple est autant marqué par le passé (Leyland Kirby) que par son oublie du passé (Brian Eno). Et en Pop, le présent est essentiel, pour indirectement créer le souvenir, donc les refrains, donc le gimmick qui te reste dans la tête pendant un bon bout de temps.

En ce sens, l’écoute du Who’s Bad ? du premier maxi de Thé Vanille (Tours), englobe autant la Pop foutraque que l’époque MTV (Alternative Nation). Il y a du Money Mark et du Beastie Boys sous le soleil de Los Angeles … sauf qu’ici, à Tours, le soleil n’a pas la même allure. Concept musicale qui mélange la Power-Pop que le bricolage de Architecture in Helsinki (The Kind Of Guy), il y a de la folie douce à la Deerhoof (Parrots) et cela soutenu par une assurance qui trouvera sa voix sans problème en concert.

Thé Vanille est l’anti-thèse d’un Animal Collective. C’est un groupe qui vie l’instant présent avec un univers de puzzle sonore qui accroche rapidement, et qui nous fait oublier parfois l’exercice de la voix à la limite du collage sans relief de Jeff Buckley.

SOCIAL / ACHETER

Le groupe sera en concert durant les Apérock d’Aucard De Tours le mardi 13 juin au KAA (18 rue de la Paix), à partir de 18h30.

Alestorm – No Grave but the Sea

Le Pastafarisme est une croyance créée par Bobby Henderson en 2005 dans le but de protester contre la décision du Comité d’Éducation de l’État du Kansas d’autoriser l’enseignement du dessein intelligent (tout arrive parce que Dieu le veut) dans les cours de science au même titre que la théorie de l’évolution.

Il professe sa foi en un dieu créateur surnaturel dont l’apparence serait celle d’un plat de spaghetti et de boulettes de viande et demande que le pastafarisme reçoive une durée d’enseignement égale à celle du dessein intelligent et de la théorie de l’évolution.

Les pirates sont vénérés comme les premiers pastafariens, et les pastafariens affirment que le constant déclin du nombre de pirates au cours des dernières années a entraîné… le réchauffement climatique.

Les membres d’Alestorm sont-ils pastafaristes ? Ou juste des pirates beurrés ?

Je fais partie de ceux qui sont convaincus qu’Alestorm ne s’est pas formé uniquement pour boire de la bière, du rhum et des femmes nom de dieu, mais pour un dessein bien plus grand, relancer l’âge d’or de la piraterie et sauver la planète du terrible réchauffement climatique.

Et pour cela, ils ont sorti leur cinquième album « No Grave but the Sea » afin de réunir tous les pastafaristes du monde sous une seule et même bannière, celle de la beuverie et de la franche camaraderie.

Avec Christopher Bowes au chant, Gareth Murdock à la basse et aux chÅ“urs, Pete Alcorn à la batterie, Elliot Vernon aux claviers et Máté Bodor à la guitare, les papas du pirate métal nous servent ici un album sans failles qui nous fait voyager un verre à la main depuis les tréfonds des océans jusqu’à Mexico.